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Cette contribution se propose d'évaluer simultanément le rôle des phénomènes émotionnels dans le processus de leadership et dans les processus de sélection des leaders au sein de l'organisation. Nous montrons d'abord l'importance croissante accordée aux dimensions émotionnelles par les théories du leadership, qui font apparaître le leader efficace comme un véritable « manager d'émotions ». Ensuite, nous questionnons le rôle des émotions dans les processus concrets de sélection de leaders : ces processus sont-ils susceptibles d'être biaisés par les phénomènes émotionnels ? Sont-ils par ailleurs aptes à détecter les compétences émotionnelles devenues fondamentales dans l'exercice du leadership ? Introduction L'exercice du leadership1 au sein de l'entreprise est un thème récurrent des sciences de gestion. Si la philosophie, la littérature et les sciences politiques ont fourni des analyses pertinentes du gouvernement des hommes2, l'étude scientifique et systématique de ce concept dans le champs des sciences sociales ne remonte qu'au début des années 1930 (Bass, 1990 ; House & Aditya, 1997).
Aujourd'hui, la thématique du leadership fait l'objet d'intérêts et d'interrogations renouvelées. Les raisons en sont multiples mais la principale tient sans doute à l'évolution même des structures des organisations et des membres qui les composent. L'entreprise est aujourd'hui protéiforme : entités, réseaux, fusions, alliances et partenariats ne constituant que quelques-unes des déclinaisons possibles.
Par ailleurs, elle compte en son sein de plus en plus de salariés aux valeurs et aux aspirations diverses, plus autonomes et mieux formés que leurs aînés. Le travail qu'ils effectuent est souvent plus complexe, plus abstrait et en conséquence plus difficilement évaluable. Dans ce contexte, les fonctions de leadership dans l'entreprise sont amenées à évoluer, d'autant plus que le facteur humain se situe désormais au coeur de l'avantage compétitif de la firme. Il ne s'agit plus seulement de contrôler un travail prescrit et d'en sanctionner ou récompenser la réalisation, mais de mobiliser avant-tout des hommes et des femmes vers l'atteinte d'objectifs organisationnels complexes. Ces modifications du travail conduisent les dirigeants à utiliser des outils plus « psychologiques » et à mieux prendre en compte les dimensions émotionnelles du management3.
Les théories du leadership ont évolué parallèlement à ces tendances durant le XXème siècle et il est possible de montrer, à partir d'une mise en perspective historique, la façon dont les approches du leadership ont progressivement intégré les dimensions émotionnelles, au point de faire apparaître le leader/dirigeant d'aujourd'hui comme un véritable « manager d'émotions » (I).
Mais l'organisation, à travers ses processus concrets de sélection des leaders, n'oppose-t-elle pas une forme d'inertie à ces évolutions ? Les processus de sélection des dirigeants sont-ils susceptibles de sélectionner les personnes les plus aptes à gérer les phénomènes émotionnels ? Et dans quelle mesure ces processus ne sont-ils eux mêmes sujets à être biaisés par des facteurs émotionnels ? (II).
Catégorie :
Strategie
Auteur de l'article :
Jean-Pascal GOND & Karim MIGNONAC
Source :
Date de publication :
26 avril 2005