L'apprentissage
Au cours de son évolution, l'apprentissage est longtemps resté cantonné à ce que nous avons appelé des "espaces traditionnels". Au cours des années quatre-vingt, les politiques en matière d'emploi et de formation (particulièrement à destination d'un public de primo-demandeurs) conduisent à un décloisonnement de son utilisation. Cette ouverture à de nouveaux secteurs d'activité et à des niveaux de formation plus élevés ont impulsé un processus de renouvellement, entre une modernité qui s'affirme et une tradition qui résiste.Le développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur rend compte de ce processus en même temps qu'il l'alimente (en assurant une plus grande "crédibilité" à ce dispositif). C'est sur cet aspect que nous avons centré notre propos à la fin du chapitre deux. Dans un contexte d'emploi dominé par des difficultés d'insertion professionnelle pour les jeunes, l'apprentissage semble constituer une solution à la recherche de nouveaux modes d'accès à l'emploi dans un souci d'aménagement de la transition professionnelle. Il s'agirait en quelque sorte d'un processus d'insertion organisationnelle au travers duquel se construisent et s'évaluent les compétences d'un jeune demandeur d'emploi.C'est précisément ce que nous proposons de traiter dans ce chapitre. Il s'agit effectivement d'apporter une réflexion conceptuelle sur les différentes notions qui participent à l'approche de notre objet de recherche.Dans un premier développement, il s'agit d'interroger le développement de l'apprentissage dans le supérieur. Il s'agit de repérer et préciser en quoi ce mode de formation particulier permet de répondre différemment à des enjeux d'insertion professionnelle des jeunes "futurs cadres" et comment il permet la construction de compétences "managériales".Cette notion de compétences nécessite un effort de clarification que nous opérons dans un second développement. Il nous importe ici, non pas d'arbitrer entre les différentes définitions, mais davantage de rendre compte des différentes approches du concept.Ceci nous conduit, dans un troisième développement, à délimiter précisément notre objet de recherche. En effet, le problème n'est pas tant d'identifier les différentes compétences fondamentales qui amènent les recruteurs à confirmer le jeune apprenti dans son emploi, mais davantage de comprendre comment se produisent les évaluations de ces compétences au cours du processus d'insertion organisationnelle (l'apprentissage). I - Vers de nouvelles professionnalités du carde : l'apprentissage Le développement de l'apprentissage prend racine dans un contexte dominé par les difficultés persistantes d'insertion professionnelle des jeunes. Réalité tenace depuis une vingtaine d'années, celles-ci interrogent la capacité du système éducatif à doter les jeunes des compétences que réclament les entreprises en même temps qu'elles appellent les entreprises à intervenir plus fortement dans la formation et la socialisation des jeunes (1.). A ce titre, ces difficultés tendent à accréditer l'idée d'un « nécessaire rapprochement [de l'école] avec les entreprises » (OCDE, 1993). La réhabilitation en cours de l'apprentissage et sa diffusion dans les formations du supérieur constitueraient alors l'une des expressions les plus significatives d'un « travail social d'articulation plus étroite entre éducation et travail » selon l'expression de Doray et Maroy (1995). C'est en ce sens qu'émergent de nouveaux modèles de formation susceptibles de répondre aux exigences de nouvelles professionnalités des cadres liées elles-mêmes à l'émergence de nouveaux modèles productifs (2.). Les enjeux mis ici en perspective sont ainsi de deux ordres : le premier enjeu renvoie à la recherche de nouvelles zones de régulation entre le système éducatif et le système productif ; le second à la recherche de nouveaux modèles pour construire des compétences et des identités managériales. L'approche adoptée s'inspire de l'analyse sociétale (Maurice, Sellier et Sylvestre, 1982), c'est-à-dire qu'elle est guidée par le postulat de la construction des acteurs dans leur rapport à la société et par la prise en compte des modes d'articulation entre rapport éducatif, rapport productif et rapport organisationnel (3.).
Catégorie :
Strategie
Auteur de l'article :
Frederic SAUVAGE
Source :
Date de publication :
27 avril 2005