Le principe selon lequel le commerce mondial est toujours profitable pour tous est séduisant au plan théorique, mais est totalement faux au plan historique, ne serai-ce parce que le libre-échange n’est jamais parfait. L'historien Paul Bairoch a décrit les transformations de la production au sein de l’empire britannique et les désastres qu'a pu causer une théorie pour le moins mal comprise.
L’œuvre de Ricardo n’est pas consacrée à une étude théorique du commerce international, mais à une critique de la répartition des richesses dans l’Angleterre du début du XIXe siècle. Sa conclusion essentielle et que la rareté des terres fertiles sur les îles britanniques provoque la concentration des revenus au sein des mains des propriétaires fonciers. Pour répondre à ce problème, il suggère finalement à son pays de renoncer à son agriculture au profit de l'industrie, et d'échanger la production de ses manufactures contre des vivres étrangères.
Organiser le commerce mondial en terme d'avantages comparatifs. Mais cette organisation n’est pas celle induise par les lois du marché dans un contexte de libre-échange : il s’agît en fait de la mise en place d’une division internationale de la production dans le cadre du plus grand empire de l’histoire.
A l’époque de Ricardo, l’Angleterre est la seule grande puissance a avoir connu la révolution agricole, et son agriculture est donc la plus productive du monde. Elle est pourtant sacrifiée au profit de l’industrie selon la logique décrit par Ricardo, provoquant l’essor de la classe ouvrière et l’urbanisation insalubre de
Inversement, si l’Angleterre a renoncé à son agriculture, une de ses nations « partenaires », ou plutôt colonisées, doit renoncer à son industrie. Alors que l’Inde est le premier producteur de textile du monde, elle voit disparaître entièrement sa production artisanale de tissu qui ne peut faire face à la haute productivité de l’industrie cotonnière britannique. L’Inde va-t-elle produire les vivres dont l’Angleterre a besoin ? Non car l’avantage comparatif du pays n’est pas là. L’Inde voit, au contraire, s’effondrer son agriculture vivrière, sacrifiée par les britanniques au profit de la culture de produits tropicaux, comme le coton, le jute, ou l’indigo. La culture du pavot est aussi une de ces productions pour lesquelles l’Inde dispose d’un avantage comparatif. Hélas,
En fait, dans un contexte historique davantage marqué par l'impérialisme que par le libre-échangisme, la détention d'avantages comparatifs par les nations les moins puissantes s'est souvent transformée en véritable malédiction.