La croissance peut-elle être infinie ?

Il y a plusieurs objections à la thèse de la croissance infinie.

Limite exogène La première est une limite exogène. La quantité de biens et de services mis en oeuvre dans une société dépend de l'extension de la division du travail. Celle-ci à son tour dépend pour son entretien de ressources matérielles et de leur renouvellement. Même l'économie dite "immatérielle" dépend d'énergie électrique (ex : l'ordinateur NEC Earth Simulator consomme 12 MW) et autres infrastructures (les 130 millions d'ordinateurs produits en 2002 deviendront des déchets avant 2006). La division du travail actuelle repose sur l'usage massif de ressources épuisables. Rien n'indique que l'on puisse substituer d'autres ressources à ces ressources. Rien n'indique non plus que les ressources renouvelables puissent rendre les mêmes services. Il n'y a aucune preuve permettant de démontrer que la division du travail actuelle pourrait exister sans pétrole, par exemple. Enfin tout indique que l'usage massif des réserves épuisables provoquent des déréglements majeurs de la biosphère (changements climatiques, toxiques etc.), déréglements qui réduisent de plus en plus fortement la richesse gratuite fournie par la nature et les services des écosystèmes. Le problème est que les indicateurs monétaires ne tiennent pas compte de l'abondance de la richesse naturelle. Certaines estimations montrent que les services rendus par les écosystèmes auraient une valeur monétaire dépassant de plusieurs fois le PNB mondial. C'est autant que nous aurons à payer si les services gratuits sont dégradés. Pour des économistes classiques comme John Locke, l'extension de l'économie ne pouvait pas être infinie, car l'appropriation des ressources naturelles doit connaître des limites, afin que d'autres puissent en bénéficier : c'était un souci de justice. Mais ces préoccupations ont été marginalisées au XIXe siècle, avant de revenir à la fin du XXe siècle. En particulier, Nicholas Georgescu-Roegen a jeté les bases du concept de décroissance durable, qui montre qu'une économie basée sur des ressources non renouvelables ne peut que décroître un jour. Limite endogène

La seconde limite est endogène. La division du travail ne génère pas forcément de la richesse collective. Par exemple l'agriculture intensive réalise des économies fantastiques de main-d'oeuvre et elle abaisse considérablement les coûts, mais au prix d'une fragilisation des écosystèmes et d'une dégradation des sols qui coûtera très cher à l'avenir. Le revenu généré est en réalité composé d'une grande partie d'endettement. L'agriculture biologique utilise les écosystèmes de manière durable et plus productive (écologiquement parlant) que l'agroindustrie. Elle n'implique aucun endettement. L'agriculture biologique implique une faible division du travail dans le domaine des semences, par exemple : c'est le paysan qui sélectionne et qui sème, car c'est lui qui connait le mieux l'écosystème. La sélection industrielle des semences est une aberration économique et écologique car les écosystèmes sont spécifiques et en évolution constante. De la même manière, si les personnes sont en capacité de choisir leurs aliments et de se soigner en grande partie elles-mêmes, elles ont moins besoin de voir leur santé prise en charge par le système médical, qui vient seulement en appui.

En conclusion...

L'équilibre international repose aujourd'hui sur cette promesse de "développement économique pour tous". Le problème est que cette promesse ne repose pas sur des preuves tangibles. Elle repose sur un acte de foi : l'espoir que nous trouverons toujours de nouvelles ressources venant remplacer celles que nous avons épuisées, l'espoir que nous arriverons à nous adapter aux dégradations majeures des écosystèmes. Cet espoir faiblit au fur et à mesure que nous découvrons la complexité de la biosphère.

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Strategie
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Date de publication :
02 mai 2006