La gratuité : un pavé dans le Marketing
Après le « pas cher » issu du discount et des marques de distributeurs, voici le « totalement pas cher » : le gratuit, avec une kyrielle de marques nouvelles. La gratuité n’ est-elle pas une « révolution » dans le marketing, impactant les autres éléments du mix et supposant de nouveaux business models ?
La gratuité, un impact essentiel sur le consommateurConséquemment, la gratuité crée de nouveaux référents : elle déplace la comparaison faite par le consommateur qui utilise une échelle de prix, vers une considération d’emblée dichotomique : les produits proposés à titre payant vs. les gratuits. Le gratuit, c’est donc le tout ou rien qui simplifie les choix du consommateur. En ce sens, la gratuité fait partie de la politique de marque puisque cette dernière participe aussi à la simplification des choix du consommateur. La gratuité amène donc deux blocs à s’opposer. Elle crée deux marchés (vu du côté des marques) : les gratuits, les payants. Le marketing des payants va chercher à augmenter la différence perçue avec les gratuits ; le marketing des gratuits va miser sur la confrontation directe et démontrera que l’offre gratuite a bien peu de différences avec la payante, hormis le prix. L’un mise sur la différenciation, l’autre sur l’assimilation. Le premier avance que les deux marchés sont différents (le point of entry est le caractère payant ou non), le second considère que les deux marchés sont identiques (le point of entry est le produit). La gratuité est ainsi une rupture, en particulier sur les marchés où l’on associe prix et qualité et sur lesquels la valeur ajoutée a, justement, une valeur, i.e. exige de la part du consommateur un effort financier. La gratuité, signe de ralliement du consommateur, se veut aussi un emblème face à la concurrence.La gratuité, un signe face à la concurrenceLa gratuité est une orientation irréversible (tout comme une baisse de prix initiée par une entreprise ne peut que difficilement être suivie d’une hausse). Pis, le passage au payant signifierait l’échec, l’erreur, la débâcle. La gratuité est donc un serment, un engagement : l’entreprise qui l’initie croit en la pérennité du concept, du produit, du marché qui la porte, signifiant ainsi à la concurrence qu’elle ne doit pas se bercer d’illusion sur son retrait du marché en cas de tir de barrage.La gratuité donne une autre dimension à la baisse de prix ou à un positionnement appuyé par un prix marquant car elle est fondée sur un autre business model, celui du financement 100% publicitaire. Avec elle, point de vente à perte (au consommateur), ni de dumping, écueils entre lesquels les entreprises, proposant des prix aux marges de plus en plus ténues, louvoient souvent. Enfin, la gratuité, par l’exigence de fonds propres et de financement qu’elle nécessite (et non compensés, rappelons-le par des ventes au consommateur), crée une barrière à l’entrée de nouveaux concurrents. Sa hauteur sera proportionnelle à la faiblesse de la différence perçue entre payant et gratuit. Il ne s’agit pas uniquement d’une différence de contenu, mais d’un écart de proposition, plus global (prix, contenu, promesse, bénéfice consommateur, angle, contrat de marque…).Plus clairement, une faible différence par rapport à l’offre payante érigera une forte barrière à l’entrée de nouveaux concurrents, en particulier si d’éventuels entrants pensaient développer un modèle payant. La gratuité remet donc en cause la légitimité du prix des offres payantes puisqu’elle s’y oppose directement en misant sur une interpellation du consommateur : « pourquoi payer ce qui peut être gratuit ? ». Par ricochet, elle conduit les offres payantes à développer un contenu (qualité, quantité) qui prenne en compte l’irruption de ce nouvel entrant.Les MDD[*] semaient le doute sur la validité des marques. Voici que la gratuité interroge le consommateur sur la réelle nécessité d’acheter ce qu’il peut obtenir gratuitement. La gratuité met donc en cause la pérennité des marques payantes. Centrée sur le pricing vs. la concurrence (création d’un fossé et d’une barrière à l’entrée) et le marché (le consommateur, sa perception), la gratuité a bouleversé le marketing dans ses aspects fondamentaux.La gratuité est un engagement pour l’entrepriseAvec la gratuité, le prix se pose en facteur stratégique, ce qu’il est déjà, mais cette fois plus du tout en source de revenus directs (i.e. liés à la vente au consommateur final). La gratuité annule la dichotomie prix de pénétration / prix d’écrémage qui supposait des niveaux de prix. Avec la gratuité, deux clans s’affrontent : le payant d’un côté, le gratuit de l’autre sans possibilité de compenser des volumes faibles par une baisse des prix si la demande est élastique. La gratuité accroît donc les risques et les investissements nécessaires au lancement.La gratuité est ainsi une arme sans délicatesse, ultime, concentrée qui ne mise que sur 3 des P du mix. Mais, très « tendance », ne constitue-t-elle pas un prêt à penser marketing ne pouvant prétendre à une utilisation universelle ?Approfondir le sujet Pour approfondir Les circonstances qui ont présidé à l’émergence de la gratuité,
L’utilisation de la gratuité,
Les limites à la gratuité.
Nous vous invitons à lire l’article de Serge-Henri Saint-Michel dans son intégralité sur : http://marketcom.free.fr/articles.htmBiographie Serge-Henri Saint-Michel est diplômé en Sciences Politiques et Droit Public (Panthéon Sorbonne) et en Marketing & Communication (Sup de Pub).Serge-Henri Saint-Michel évolue en agences de communication depuis 1988. Il enseigne d'ailleurs aussi depuis cette date le Marketing et les stratégies de communication à l'Université (Celsa) et en Ecoles de commerce ; il publie depuis 1992 des ouvrages professionnels dans ce domaine.Pendant 3 ans directeur marketing et communication, directeur de missions et dirigeant du pôle veille dans un important cabinet conseil en marketing télécoms et Internet, il a ensuite été responsable de la marque Campanile pour la France et l'international.http://marketcom.free.fr
Catégorie :
Strategie
Auteur de l'article :
Visionnary Marketing - par Serge Henri Saint Michel
Source :
http://visionarymarketing.com/fwelcom.html
Date de publication :
26 avril 2005