Dans la première moitié du XXe siècle, loin de cette préoccupation du « dumping social », trois économistes - Eli Heckscher, Bertil Ohlin, et Paul Samuelson - ont associé leurs noms à l'élaboration d'une théorie du commerce international dit « Théorème H.O.S. ». Selon ce théorème, dans le cadre du libre-échange, les nations ont tendance à se spécialiser dans le secteur qui requiert les facteurs de production les plus abondants sur leur territoire. Ainsi, les nations fortement dotées en main-d'œuvre se spécialiseront dans les industries de main-d'œuvre, inversement les pays fortement dotés en capital se spécialiseront dans les secteurs qui requièrent une importante concentration capitalistique. On peut bien sur effectuer des distinctions plus subtiles : entre travailleurs qualifiés et travailleurs peu qualifiés dans le cas qui nous intéresse.
Quelle conséquence pour les pays s'ouvrant au commerce international ?
Les pays du Sud se spécialiseront évidemment dans les productions manufacturières les plus triviales demandant un nombre important de travailleurs faiblement rémunérés. Inversement les pays riches concentreront les activités qui exigent de lourds investissement ou de la main-d'œuvre qualifiée. De fait, l'activité mondiale tend par exemple à voir les activités de conceptions s'effectuer au Nord et celle de production au Sud.
Quel impact sur les inégalités ?
Dans un article de 1941, Paul Samuelson et Wolfgang Stolper déduisirent que cette dynamique de spécialisation conduirait à la réduction des inégalités et qu'il était donc nécessaire de renoncer aux politiques protectionnistes. En effet, si on considère deux facteurs distincts A et B, si A est très abondant sur le sol national comparativement à B, il s'en suivra naturellement que les loi de l'offre et de la demande favoriseront injustement le facteur rare A au détriment du facteur B. Par contre si le pays commerce avec une autre nation ayant une situation inverse, l'inégalité tendra à disparaître sous l'effet de la spécialisation. Autre effet logique, la rémunération d'un facteur tendra, à long terme, à devenir similaire dans les deux pays : pour une même qualification, le salaire de l'ouvrier chinois sera comparable à celui de l'américain.
En conséquence, les salaires des travailleurs peu qualifiés des pays riches diminueraient, ceux des travailleurs qualifiés augmenteraient. Évidemment, sorti du cadre théorique, cette évolution semble extrêmement inégalitaire. Mais l'effet dans les pays pauvres serait inverse : la rémunération des travailleurs peu qualifiés augmenterait. C'est en fait à une convergence des salaires des travailleurs peu qualifiés du Nord et du Sud qu'on doit s'attendre. Aux États-Unis, le résultat serait la baisse des revenus réels de ces personnes sur les vingt dernières années ; en Europe où les salaires ne sont pas flexibles à la baisse, on assiste à la montée du chômage.
Inversement, David Ricardo avait avancé dans ses Principes de l'économie politique et de l'impôt que l'importation de produits étrangers moins onéreux permettait une baisse des prix favorable au pouvoir d'achat. Dès lors les entreprises pouvaient diminuer les salaires nominaux (sans réduire le salaire réel) et donc rendre le travail plus compétitif, favorisant l'essor de l'industrie résidente et donc en définif l'emploi.
Selon une étude publiée par l'INSEE, le commerce français avec les pays en voie de développement aurait provoqué au maximum une perte de 330 000 emplois, chiffre relativement faible au vu du chômage du pays. Mais ces calculs sont contestés. Ainsi pour l'économiste américain A. Wood, les échanges aurait provoqué la perte de 9 millions d'emplois dans les pays développés et en aurait créés 22 millions dans les pays en développement. On note donc que même les statistiques démontrant l'existence du phénomène dit de « dumping social » soulignent qu'il est à l'échelle globale largement créateur d'emplois, mais ce gain quantitatif est relativisé par les caractères qualitativement différents entre emploi perdus et créés.