Les fusions transfrontalières

Dans l'Union Européenne, certaines législations excluent ou ne prévoient pas la fusion transfrontalière et d'autres la soumettent à des conditions restrictives. Aux Pays-Bas, en Suède, en Irlande, en Grèce, en Allemagne, en Finlande, au Danemark et en Autriche, les fusions transfrontalières sont interdites, obligeant le plus souvent la société qui avait vocation à en acquérir une autre de se contenter d'une prise de participation majoritaire dans le capital de cette dernière. En France, certains auteurs n'hésitent pas à conclure que les fusions entre sociétés de nationalités différentes sont impossibles du fait de l'incompatibilité des législations applicables.

L'effet juridique

Avant d'entrevoir les incidences du régime européen des fusions sur les législations nationales, il convient de rappeler l'effet juridique d'une fusion transfrontalière. La fusion a pour résultat de transformer la société absorbée en un établissement stable de la société absorbante, situé dans un autre État membre. Donc la société absorbée sera toujours soumise à la législation de son pays en tant qu'établissement stable de la société bénéficiaire.

Dans ce contexte, l'ensemble des projets européens sur les fusions se fondent alors sur la double nécessité d'un cadre juridique commun mais aussi d'une harmonisation fiscale pour chacun des pays de l'Union Européenne. Ainsi, au plan fiscal, la localisation de l'entité issue du rapprochement dépendra du niveau d'imposition des bénéfices générés par cette entité. A ce titre, la réforme allemande de 2001 sur les distributions ainsi que l'exonération des plus-values sur titres prévues par de nombreux pays (Luxembourg, Allemagne, Italie,..) posait un défi important en terme d'attractivité fiscale de la France.

Parallèlement aux mesures d'harmonisation fiscales, un projet de directive européenne datant de novembre 2003 viserait à « combler une lacune importante en matière de droit des sociétés : faciliter les fusions transfrontalières de sociétés commerciales sans que les législations nationales dont elles relèvent, en général celle du lieu de leur siège principal, ne puissent constituer un obstacle. » Ce projet vient d'être adopté en première lecture par le Conseil et le Parlement Européens en codécision en novembre 2005 (voir J.O.U.E. n° L 310 du 26 novembre 2005). Cette dixième directive doit être transposée par les Etats membres au plus tard le 15 décembre 2007. La dixième directive tend ainsi à supprimer les difficultés apparues avec le texte de 1990 notamment sur les différentes transpositions par chacun des États membres. De plus, le projet prend également en compte « la nécessité affirmée par les instances européennes d'améliorer la compétitivité de l'économie européenne » avec, en particulier, la mise en place d'un cadre général favorisant l'activité économique dans l'Union Européenne. Elle comporte peu de règles matérielles et renvoie généralement aux dispositions gouvernant les fusions nationales. Il s'agit essentiellement d'un corps de règles de conflit. L'on s'en aperçoit notamment en ce qui concerne la participation des travailleurs où, devant la résistance de la délégation allemande, la directive a opté pour l'application de la règle dès lors que l'une des sociétés participantes est soumise à une telle règle. Pour l'heure la directive n'a pas été tarnsposée mais, en attendant sa transposition, on doute toujours de son efficacité du fait de la nature de règles de conflit de ses dispositions.

L'impact du projet de directive communautaire sur les fusions transeuropéennes

Le projet de directive sur les fusions vise essentiellement l'élaboration d'un cadre général d'ordre juridique et fiscal. Les dissonances de régimes liées aux transpositions internes de la précédente directive seront écartées. Ainsi, la liste des sociétés auxquelles la directive a vocation à s'appliquer intègre désormais de nouvelles formes de sociétés ou entités juridiques particulières. En effet, toutes les sociétés soumises de plein droit à l'IS seront éligibles au régime de faveur. (en France le régime de faveur est étendu aux sociétés soumises à l'IS sur option).

De plus, la proposition de directive s'attache précisément à la situation de la société européenne en spécifiant que le transfert de siège d'une société européenne d'un État membre à un autre n'aboutit pas directement à l'imposition des plus-values. La proposition de la directive énonce également que le régime de report d'imposition des plus-values a vocation à s'appliquer dans l'hypothèse de la filialisation d'une succursale implantée dans un autre État membre.

Enfin, la proposition de directive fait apparaître une nouvelle forme d'opération de restructuration, la scission avec échange d'actions. Dans cette opération, la société procède à l'apport d'une ou plusieurs branches complètes ou autonomes d'activités au profit d'une autre société préexistante, et reçoit en contrepartie des titres. Cette opération correspond en réalité à ce que nous connaissons en France sous la forme d'un apport partiel d'actif portant sur une branche complète d'activité, avec répartition, dans un délai d'un an, des titres reçus en contrepartie (art. 115-2 du CGI). Il reste à préciser que l'adoption de cette directive entraînera d'une part, la fin de la double imposition des plus-values sur titres du fait d'un apport non pas à la valeur comptable mais à la valeur réelle, et d'autre part, la suppression de l'agrément ministériel autorisant la répartition des titres reçus dans un délai d'un an.

 

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Strategie
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Date de publication :
4 mai 2006