Cet article a pour objet de présenter différents aspects des pouvoirs des dirigeants d'entreprise.
Le principe des pleins pouvoirsA l'origine, le représentant de la société était le mandataire des associés : la société n'était pas engagée s'il dépassait les pouvoirs reçus. Le tiers devait donc vérifier que le contrat entrait dans la liste des opérations que le dirigeant pouvait accomplir : il devait demander une copie des statuts au RCS, puis l'interpréter.
La jurisprudence a alors retenu une conception extensive des clauses des statuts déterminants les pouvoirs des dirigeants, ce qui a entraîné un renversement du principe, les pouvoirs du dirigeant étant si largement interprétés que le dirigeant pouvait agir en toute circonstance au nom de la société.Pour le législateur, les clauses statutaires limitant les pouvoirs des dirigeants sont inopposables aux tiers. Mais, leurs pouvoirs ne sont pas illimités : le dirigeant doit respecter les pouvoirs propres des autres organes sociaux et la spécialité de la société.
Le respect des pouvoirs des autres organes sociaux
Le principe des pleins pouvoirs est justifié par la volonté d'effectivité de l'action des dirigeants sociaux, qui doivent disposer d'une grande liberté d'action. Le dirigeant ne doit toutefois pas pouvoir empiéter sur les pouvoirs des autres organes sociaux. Il ne peut donc pas approuver à lui seul les comptes de la société, décider l'affectation du résultat de l'exercice, modifier les statuts de la société.
Le respect de la spécialité de la société
- La spécialité légale : l'article 1832 du Code Civil donne aux sociétés la mission de réaliser des économies ou des bénéfices en vue de leur partage. Les dirigeants ne peuvent donc pas accomplir des actes désintéressés.
- La spécialité statutaire : le dirigeant est choisi par les associés pour sa capacité à développer le type d'activité que la société s'est donnée dans les statuts. Il ne peut pas passer d'actes outrepassant l'objet social, ce que la jurisprudence interprète restrictivement comme des actes se rapportant à une activité totalement étrangère à l'objet social, le contredisant tant que cela exigerait une modification des statuts.
Un dépassement d'une limite devrait entraîner une sanction (nullité / inopposabilité aux tiers), mais la jurisprudence privilégie la protection des tiers et l'engagement de la responsabilité civile du dirigeant.
Les limites opposables aux tiers
Elles sont posées par la loi :
- Quand le gérant empiète sur les pouvoirs réservés à un organe social. Les tiers ont pensé à invoquer l'apparence de pouvoir (art. 98 de la loi de 1966). La loi prévoit que les dirigeants ne peuvent pas prendre seuls l'initiative d'opérations présentant des risques graves, mais cette règle est souvent méconnue, et les tiers invoquent l'apparence de pouvoir. Pour la jurisprudence, la société n'est pas engagée par la garantie non expressément autorisée.
- La société n'est engagée par les actes conclus pour son compte, du temps où elle était en formation, que si les actes ont été repris selon les conditions prévues par la loi.
Dans les sociétés de personnes, les limites opposables aux tiers sont celles de l'objet statutaire. Les SNC et sociétés en commandites ne sont pas liées par des actes de leur gérant excédant l'objet social.
Les limites inopposables aux tiers
Sont inopposables aux tiers :
- Les dispositions statutaires et décisions sociales limitant les pouvoirs des dirigeants sociaux. La société sera engagée, et le dirigeant en question sera personnellement responsable vis-à-vis de la société. Les tiers peuvent eux-mêmes opposer les limites de pouvoir des dirigeants sociaux.
- Les limites venant de la définition de l'objet social des SA et SARL. En principe, les actes du dirigeant qui excèdent l'objet social, obligent la société. Par exception, il peut y avoir inopposabilité de l'acte si la société prouve que le tiers qui en bénéficie, connaissait le dépassement de l'objet social ou ne pouvait l'ignorer. La société ne peut pas se limiter à soutenir que le tiers pouvait consulter le statut au RCS : elle doit prouver qu'il a eu connaissance du statut (autrement que par le RCS), et qu'il a pu prendre conscience que l'acte n'entrait pas dans l'objet statutaire. La preuve est délicate à apporter, sauf dans les groupes de société : quand, dans un groupe, les sociétés contractants ensemble ont des dirigeants communs, ils connaissent forcément le statut des différentes sociétés.